Le Programme pour étudiant réfugié : changer le monde un humain à la fois

Josée Blanchette et Christine Veilleux ( à droite) avec trois des 11 étudiants et étudiantes impliqués dans le Comité PER

Josée Blanchette et Christine Veilleux ( à droite) avec trois des 11 étudiants et étudiantes impliqués dans le Comité PER.

Des groupes qui veulent changer le monde, on en voit beaucoup! Mais ceux qui le font réellement sont plus rares. C’est pourtant ce à quoi s’affaire depuis bientôt trois ans des étudiants, des étudiantes et deux enseignantes du Cégep Limoilou à travers le Programme pour étudiant réfugié (PER) : changer le monde en changeant la vie d’un humain à la fois.

Ce comité du Cégep a jusqu’à maintenant fait la différence dans la vie de deux jeunes hommes. Deux frères! Deux frères qui ont quitté leur pays d’origine en Afrique pour se réfugier dans un camp dans le pays voisin, où ils ont vécu leur adolescence et le début de leur vie adulte. Le premier, M*, est arrivé au Cégep à l’automne 2018 et le deuxième, K*, est venu le rejoindre, le 14 août de cette année. Ces retrouvailles sont d’autant plus extraordinaires qu’elles n’allaient pas de soi. En effet, le PER ne prévoit pas d’accommodements automatiques pour regrouper la fratrie. K témoigne : « Quand j’ai vu mon frère partir du camp en 2018, j’étais content pour lui, mais j’étais aussi très stressé. Il était ma seule famille et on avait tout vécu ensemble jusqu’à maintenant. Tout à coup, je suis resté seul derrière. J’ai dû m’adapter. Par chance, grâce aux réseaux sociaux, on a pu rester en contact. Je ne savais pas que j’allais partir un an plus tard, j’étais seulement au tout début du processus. Je ne peux pas décrire tous les sentiments qui m’ont habité lorsque j’ai retrouvé mon frère, il y a trois mois. »

Rappelons-le, le PER mis en œuvre par l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) offre à de jeunes réfugiés la possibilité de donner un nouveau souffle à leur vie en se réinstallant et en poursuivant des études supérieures au Canada dans un environnement sécuritaire et accueillant.

La poursuite des études est au cœur du PER. D’ailleurs, K a compris très vite, à son arrivée au camp de réfugiés, que les études pourraient peut-être un jour être sa porte de sortie : « Dès mon arrivée au camp, je n’avais qu’un objectif : continuer mes études. Le défi a été grand puisque dans mon pays d’origine, j’étudiais en français alors que, dans le camp, tout se passait en anglais. Après toutes ces années, le défi est maintenant de recommencer à étudier en français. Je suis encore à l’aise en français, mais mon vocabulaire scolaire ou technique est plus anglophone. »

Encore aujourd’hui, les deux frères font de leurs études leur priorité. Josée Blanchette et Christine Veilleux, enseignantes en anthropologie et coordonnatrices du programme, expliquent le contexte « : Ce sont des personnes exceptionnelles, ils ont beaucoup d’ambition. Ils veulent un diplôme, un bon emploi. Ils sont extrêmement déterminés et ils travaillent fort. De l’étude, ils en mangent! Ils ressentent une urgence d’apprendre après avoir eu l’impression de perdre leur temps au camp ».

À leur arrivée, ils ont eu accès à une mise à niveau au Tremplin DEC pour consolider leurs connaissances afin de favoriser leur réussite. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle l’EUMC, d’abord active dans les universités canadiennes, a voulu intégrer les collèges. « Ils voulaient que les étudiants réfugiés aient accès à des milieux de vie plus petits, plus humains offrant plus de ressources d’accompagnement. », explique Christine Veilleux.

Premier des deux frères arrivés au Cégep, M en a bien vite constaté les bénéfices. Accueilli en Tremplin DEC, il était déjà tuteur au Centre d’aide à la réussite l’hiver dernier à sa deuxième session d’études! Même s’ils ont peu de comparatifs des études dans un établissement d’enseignement supérieur, ils remarquent une bonne différence dans l’approche pédagogique québécoise, beaucoup plus axée sur la pratique que dans les pays en voie de développement. M est maintenant en Sciences de la nature. K, lui, rêve de génie mécanique et de robotique.

Au-delà des défis académiques, se construire un nouvel environnement de vie est aussi un défi en soi : « Le principal défi est de se faire des amis. On peut se faire des amis à l’école, mais après, quand on sort de la classe, c’est plus difficile. Ça demande du temps. » — K.

Un élément essentiel pour le succès du programme PER est son modèle de parrainage unique de jeunes par des jeunes, qui permet aux jeunes étudiantes et étudiants canadiens de jouer un rôle actif dans le parrainage d’étudiants réfugiés. C’est le seul programme du genre au monde et le Canada est le seul à l’offrir.

Parmi les étudiantes et les étudiants impliqués, Emmy Lachance et Renaud Fleury le confirment. C’est l’opportunité d’agir concrètement qui a motivé leur implication au sein du PER. « En finissant le secondaire déjà, j’observais qu’on était dans une période houleuse sur le plan international, on parlait souvent de morts parmi les migrants. En arrivant au Cégep, j’ai vu cette possibilité concrète de sortir une personne d’un camp de réfugiés et de lui offrir de poursuivre sa vie ici. C’est ce qui m’a plu, la chance d’être proche de l’action et du résultat. » raconte Emmy Lachance, étudiante au double DEC Enjeux internationaux et Langues.

Renaud Fleury, étudiant en Sciences humaines, profil Développement humain et société complète : « La crise humanitaire des migrants additionnée aux commentaires racistes que je voyais passer sur les réseaux sociaux m’ont donné envie de faire la différence dans la vie de quelqu’un, d’avoir une implication concrète, mais, aussi, de faire de la sensibilisation autour de moi. »

Pour les deux enseignantes impliquées dans le PER, Josée Blanchette et Christine Veilleux, c’est le sentiment d’impuissance des étudiants et des étudiantes qui les a poussés à l’action. « Nous avons voulu leur faire vivre une expérience qui leur démontrerait leur pouvoir de citoyen. En plus, le PER était tout à fait en lien avec les questions d’immigration, des réfugiés, de l’adaptation et de l’intégration que nous enseignons dans nos cours. Accueillir un étudiant réfugié allait aussi nous permettre de bonifier les échanges avec les étudiants et les étudiantes en discutant d’un exemple concret. », explique Josée Blanchette.

S’ils ont amorcé leur implication par un désir d’aider concrètement quelqu’un, ils ont vite réalisé que l’aventure a aussi beaucoup à leur apprendre : rédaction pour le journal du comité, présentation du projet auprès de différents groupes, expérience dans les rencontres régionales et dans les forums de l’EUMC, organisation de collecte de fonds… « C’est puissant et inspirant comme implication », dit Christine Veilleux.

D’ailleurs, le comité reçoit un très grand support de l’EUMC. Josée et Émy précisent : « C’est très bien organisé. Nous sommes complètement encadrés, appuyés et outillés. Par exemple, chaque mois, nous recevons un guide qui nous rappelle les suivis à faire auprès de notre étudiant. Nous avons aussi l’occasion de participer à des rencontres régionales avec les autres comités, nous rencontrons des étudiants de partout au Canada. Nous avons des ateliers sur le leadership, sur le développement international. C’est une véritable expérience d’un projet de justice sociale et de solidarité. » D’ailleurs, le comité local peut compter sur du renfort, sitôt arrivé, K a commencé à s’impliquer dans le PER. « Je veux pouvoir aider. Un réfugié passe à travers d’énormes difficultés. Quand des gens se donnent pour aider à changer drastiquement la vie d’une personne, c’est un geste d’une grande beauté. C’est à mon tour, je veux aussi faire ma part. »

Après l’accueil de deux étudiants réfugiés en deux ans, le comité PER se donne le droit de souffler un peu et espère pouvoir parrainer un étudiant à chaque deux ans plutôt qu’à chaque année. Même si les étudiants doivent être autonomes financièrement dès leur deuxième année au pays, il faut amasser 22 000 $ pour leur arrivée première année au Québec. Le comité PER met sur pied plusieurs activités de collecte de fonds durant l’année. Actuellement, ils les membres du comité vendent des billets pour le tirage de bouteilles de vin. Chaque billet acheté à 10 $ vous donne une chance de gagner 12 bouteilles de vin ! D’autres activités de financement suivront, dont un spectacle-bénéfice en février. Cependant, le comité rêve par-dessus tout de pouvoir un jour compter sur une cotisation étudiante. Tous les cégeps qui ont mis sur pied leur comité PER après le Cégep Limoilou ont déjà tous accès à la cotisation étudiante qui, selon les cas, varient entre 1,75 et 6 $ par étudiant. En enlevant une part du fardeau financier sur les épaules du comité, les personnes impliquées peuvent davantage se concentrer sur l’aspect humain de leur engagement.

Les échanges humains sont d’ailleurs ce qui ressort le plus de cette aventure, pour tous : « On ne pensait pas qu’il y aurait autant d’amour dans tout ça. Le projet naît sur papier. Mais après, ce sont de vraies relations qui se créent. C’est touchant toute la reconnaissance que K et M nous témoignent. C’est très motivant de continuer à travailler pour changer la vie d’autres humains qui n’ont pas la même chance de départ que nous ! » conclut Emmy.

Toute personne intéressée à s’impliquer dans le comité, n’a qu’à prendre contact avec le comité via la page Facebook.

*Les deux étudiants réfugiés ont témoigné généreusement de leur expérience au Cégep, mais préfèrent toutefois ne pas être identifiés.

Josyka Levesque

Conseillère en communication, Responsable des relations avec les médias

Direction des communications et du développement institutionnel